Critique du film « 5 septembre » : les journalistes peuvent-ils être les héros d'une histoire de
Festival du Film de Venise : le drame de Tim Fehlbaum sur le massacre des Jeux Olympiques de Munich en 1972 trouve sa force dans des salles obscures, des protagonistes improbables et des dilemmes moraux
Le film « 5 septembre » du réalisateur suisse Tim Fehlbaum, dont la première a eu lieu jeudi à la Mostra de Venise, s’appuie sur une histoire qui semble nécessiter une approche expansive et la situe presque entièrement dans deux salles obscures. Il se concentre sur un événement réel, l’attaque terroriste contre des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972, et le transforme en un film procédural qui suit non pas les terroristes, ni les athlètes, ni les autorités, mais une équipe de journalistes de télévision surmenée qui tente de comprendre comment couvrir une attaque qui a pris le monde par surprise.
« Le 5 septembre » n’est pas le premier film à aborder ce qui est devenu connu sous le nom de massacre de Munich – le documentaire « Un jour en septembre » a remporté un Oscar en 1999, et Steven Spielberg a traité des représailles israéliennes dans « Munich » six ans plus tard – mais c’est un film qui trouve une nouvelle voie dans une histoire devenue tristement familière. En tournant les caméras non pas vers les salles où les athlètes ont été retenus captifs ou la piste où ils ont tous été tués lors d’une tentative de sauvetage ratée, mais vers la rangée d’écrans qui ont fait connaître cette histoire au monde, Fehlbaum est allé à contre-courant de l’histoire mais a réussi à trouver un moyen puissant de se concentrer sur l’éventail de dilemmes moraux qu’elle a soulevés.
On pourrait le qualifier de cousin de « Munich » et de « Un jour en septembre », mais aussi de films centrés sur le journalisme comme « Spotlight », « She Said » et le documentaire « Collective » – même s'il manque visiblement la note de triomphe que l'on retrouve dans ces films lorsque les reporters décrochent leurs articles.
Dans ce cas, les reporters, producteurs et techniciens d'ABC Sports sont venus à Munich en pensant qu'ils couvriraient une compétition sportive. Et c'est ce qu'ils ont fait pendant la première semaine des Jeux olympiques. Le film prend son temps pour poser les bases en montrant le quotidien des bureaux d'ABC près du village olympique : le président d'ABC Sports, Roone Arledge, se tient au fond de la salle de contrôle, contredisant les autres producteurs et prenant invariablement des décisions judicieuses, le nouveau venu Geoff Mason (John Magaro) se lance dans sa première mission importante de télévision en direct et la traductrice Marianne Gebhardt (Leonie Benesch, la star de la candidature allemande aux Oscars de l'année dernière, « La salle des profs ») est indispensable à l'équipe.
Le décor est une salle de contrôle sombre entourée d'un petit dédale de bureaux, et l'approche est celle d'une procédure granulaire : l'équipe regarde la bande, fait des vérifications techniques et se prépare pour la diffusion du matin sans avoir l'impression qu'elle (ou le cinéaste) est pressée d'arriver quelque part. Et puis il y a du bruit à l'extérieur, et quelqu'un dans le couloir dit : « Est-ce que ce sont des coups de feu ? »
Ce sont des coups de feu, provenant du village olympique voisin, où huit membres de l'organisation palestinienne Septembre Noir ont escaladé la clôture et pris en otage des athlètes et des entraîneurs israéliens, tuant deux personnes au passage. Arledge saute au téléphone et plaide pour un accès anticipé au satellite qui transmettra la couverture en direct d'ABC chez lui, mais il estime qu'il n'a besoin que d'une heure. « Les Allemands vont couper l'accès en un rien de temps », dit-il.
Les Allemands ne l'arrêtent pas, bien sûr, mais nous ne savons pas vraiment ce qui se passe au niveau des négociations ou de l'action policière, car le film reste obstinément confiné entre les murs des locaux d'ABC. Même si une attaque terroriste se déroule à 100 mètres de là, l'action que nous voyons est banale : le film est développé, les fils sont piquants, les téléphones sont démontés et bricolés de manière à ce que les dépêches du journaliste Peter Jennings, qui arrivent par talkie-walkie depuis le village des athlètes, puissent être diffusées à l'antenne. Les espaces confinés sont presque claustrophobes, et la plupart de nos aperçus du monde extérieur sont diffusés sur des moniteurs dans la salle de contrôle.
Pendant ce temps, les questions se multiplient pour Arledge, Mason et leur équipe. Après tout, à cette époque, les gens étaient généralement informés des activités terroristes dans le journal du lendemain, et non à la télévision en direct. Les débats font rage sur la question de savoir s’il est acceptable d’utiliser des mots comme « terrorisme » et « guérilla », et sur ce qu’il faut faire si les caméras en direct capturent des images de personnes abattues. Et transmettent-ils leurs images à CBS pour empêcher cette chaîne rivale de prendre le relais sur le satellite ? (Oui, mais seulement parce qu’un technicien a trouvé le moyen de superposer « ABC » sur le coin de l’image.)
« Notre travail est très simple », explique Arledge à un moment donné. « Nous plaçons la caméra au bon endroit et nous suivons ce qui se passe. »
Les questions morales débordent également de l'écran vers la salle. Dans un film comme celui-ci, où les journalistes travaillent désespérément pour couvrir l'histoire qui se déroule sous leurs yeux, le public se retrouve inévitablement à souhaiter la réussite de l'équipe de rédaction. Mais presque tous ceux qui regardent ce film savent que l'histoire finira tragiquement. Alors comment peut-on soutenir les journalistes quand leur version du succès consiste simplement à apporter au monde la nouvelle d'un massacre ?
Les enjeux sont élevés dans cette salle de journalistes, producteurs et techniciens, mais pas autant que ceux des athlètes ligotés et tenus en joue à quelques pâtés de maisons. Il est difficile de regarder « 5 septembre » sans ressentir une certaine ambivalence, mais c'est en quelque sorte l'une des forces du film, car il intègre cette ambivalence comme une partie nécessaire de l'histoire.
Ce film est donc un ajout précieux à la liste des films de journalisme et de terrorisme, avec une fin qui parvient à donner un coup de poing dans le ventre même à ceux qui savent où l'histoire va. Il n'est pas vraiment logique de raconter cette histoire en regardant un groupe de personnes qui ne quittent jamais leur pièce obscure à 100 mètres de l'action, mais « 5 septembre » vous persuade en quelque sorte que c'est une approche efficace après tout.