[Critique] Gone Girl

Chaque nouveau film de David Fincher est un évènement et ce à juste titre, tant le réalisateur américain a su bâtir une filmographie impressionnante, cohérente dans ses thèmes et quasiment dénuée de sans-faute au fil des années. Cependant, il faut admettre que Gone Girl n’était pas son projet le plus excitant, en tout cas comparé à l’adaptation de 20 000 Lieues sous les Mers qu’il a failli faire chez Disney et qui a malheureusement été abandonnée pour des raisons financières.

Néanmoins, on était quand même curieux de voir ce qu’il allait faire du roman de Gillian Flynn, best-seller tordu et qui avait remporté un succès immédiat.

Gone Girl raconte comment Nick Dunne, un ancien journaliste new-yorkais, constate la disparition de sa femme Amy le matin de leur 5ème anniversaire de mariage. Rapidement, on se rend compte que tant Nick que Amy cachaient à l’autre des secrets plus ou moins importants… Et c’est le point de départ d’un vertigineux thriller de 2h30, qui tient en haleine tout du long. Cependant (et on ne spoilera évidemment pas l’intrigue et ses nombreux retournements de situation), ce qui intéresse le plus Fincher ici, ce ne sont pas les twists, mais plutôt la réflexion, d’un cynisme et d’une amertume absolues, sur le narcissisme, le culte des apparences, l’importance des médias dans notre société et la manière dont on se façonne une image parfaite pour plaire aux autres, quitte à se perdre en chemin. Des thèmes au final récurrents chez Fincher, avec The Social Network notamment, mais qui atteignent ici un degré de férocité rarement atteint chez le réalisateur.

A ce titre, la structure du film, similaire au roman (à savoir les points de vue du mari et de la femme entremêlés) fonctionne très bien. Les flashbacks sont toujours placés de manière pertinente et si l’on aurait pu craindre une mauvaise utilisation de la voix-off, procédé trop facile, elle est ici très bien utilisée pour nous expliquer les motivations des personnages.

Adaptation oblige, on sent que Gillian Flynn a été obligée de faire des coupes, notamment pour quelques personnages secondaires et quelques flashbacks, mais dans l’ensemble le film reste très fidèle au livre et se permet même quelques saillies d’un humour noir que l’on ne se serait pas attendu à voir dans un film pareil.

Ce qui frappe aussi dans Gone Girl c’est son apparente modestie : mise en scène très sage pour un Fincher, pitch à priori banal, et pourtant, on sent à chaque plan un malaise sous-jacent, une tension prête à exploser à n’importe quel moment sous le poids de secrets aussi malsains. Le générique nous présente rapidement la petite ville dans laquelle l’action se déroule et l’on devine sous la propreté impeccable de chaque plan que quelque chose ne va pas, que ces apparences sont trompeuses. La photographie de Jeff Cronenweth fait une fois de plus des miracles, à la fois très propre mais qui possède un aspect plus viscéral accentué par l’utilisation d’une caméra numérique jamais utilisée auparavant (la 6K RED Epic Dragon, pour ceux qui connaissent) qui renforce cet aspect réaliste et froid. Et une autre fois de plus, c’est le duo Trent Reznor/Atticus Ross qui signe la bande-originale du film, lui offrant une identité sonore envoûtante, tendue, qui débute comme une musique de conte de fée parcourue de sons parasites, à l’image d’une histoire d’amour d’abord parfaite et qui finit par être rattrapée par la rancœur. Une très belle réussite.

Et parlons enfin de l’autre pièce maîtresse de Gone Girl : ses acteurs, tous prodigieux. On n’aurait pu rêver d’un meilleur casting, entre Ben Affleck parfait en mari désemparé mais pas aussi clean qu’il n’y paraît. La vraie révélation du film cependant, c’est Rosamund Pike, un choix des plus pertinents. Blonde et glaciale, tout droit sortie d’un film d’Hitchcock, l’actrice impressionne et a probablement trouvé le rôle de sa carrière. Les seconds rôles sont également impeccables : de Carrie Coon en sœur jumelle de Nick à Tyler Perry en avocat aux dents longues, tous participent à la qualité du long-métrage. Mention spéciale aussi à Neil Patrick Harris, en stalker aussi élégant que flippant. Le temps où il jouait Barney Stinson paraît bien loin.

On s’attendait à un film mineur de Fincher, et finalement on a le droit à une pièce maîtresse de son œuvre.

Gone Girl est le meilleur thriller fait depuis trop longtemps, un morceau de cinéma cynique et désespéré, qui hante longtemps après la séance. On tient sans doute ici le meilleur film de l’année.

Note:


Gone Girl

Réalisé par David Fincher

Avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris, Tyler Perry,…

Date de Sortie : 8 octobre 2014

Genre: Thriller, Drame

Synopsis: A l’occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la police et l’affolement des médias, l’image du couple modèle commence à s’effriter. Très vite, les mensonges de Nick et son étrange comportement amènent tout le monde à se poser la même question : a-t-il tué sa femme ?

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