The Force of Hope: Mathieu Amalric on Hold Me Tight | Interviews

C’est comme ça que j’ai commencé à tourner le film. On l’a tourné… grâce aux saisons, le film avait besoin des saisons, en trois temps. Commençant au printemps, commençant à la fin, commençant quand elle trouve les corps. Puis l’automne, puis l’hiver, février 2020. On éditerait avec François [Gédigier] à chaque fois, entre les périodes, à six mois d’intervalle. Et après le premier tournage, j’ai senti qu’on était trop loin de ce dont, en fait, j’étais amoureux… qui était le geste d’imagination de cette femme. Observer quelqu’un, être un marionnettiste, me connaître, savoir que c’est nous qui faisons le film, fabriquons le film, ce n’était pas le bon sentiment ! Elle était trop mystérieuse, ou trop sainte, et j’étais dégoûté par ça! Il était évident en effet que c’était le personnage de Clarisse qui réalisait le film. Elle fait les images, elle édite. Ce qui m’attirait, c’était d’être dans sa tête. Bien sûr, lorsque vous entrez dans une tête, la narration va [loud crashing sound] va aussi fou que ce que nous avons dans notre tête, même maintenant. Nous pensons aussi à autre chose en ce moment. C’est devenu assez excitant d’explorer cela avec l’outil du cinéma. Comment se fait-il que nous soyons dans l’instinct, la sensation, les odeurs, les sons, la lumière, tout ! Tout! Ces choses sont devenues excitantes.

Ensuite ce que je fais, j’ai toujours une chronologie très précise pour que les acteurs et l’équipe sachent exactement où on en est dans le temps. Si tu mets l’histoire dans l’ordre c’est : elle reçoit un coup de téléphone, ton mari et tes enfants ne sont pas revenus de cette nuit, elle vient, les gens de l’avalanche disent qu’on ne retrouvera pas les corps avant le printemps. Je pense qu’elle est allée à l’hôpital. Nous avons filmé une scène dans un hôpital. Mais on l’a retiré parce qu’en fait, c’était trop évident. Si elle était folle, le public serait trop protégé. Alors j’ai pensé qu’elle resterait dans cette maison. Ne bouge pas. Son amie propriétaire d’une station-service lui dit : « Tu dois déménager. Tu n’attendras pas le printemps. Elle prend sa voiture, elle prend cette voiture parce que c’est sa voiture, comme on le découvre dans un flashback à la discothèque, c’est la voiture qui a mis sa famille à mort. C’est l’histoire ! Et pour moi, c’est comme si elle pouvait… [he puts his hands in the air feeling vibrations] … s’il y avait une radio, elle pourrait … [he turns imaginary dials and makes static noises] … faire un voyage dans l’espace, elle pourrait se connecter avec eux, comme une antenne. Et elle peut dire : « Wow… et si ma fille était une grande pianiste ? Et si mon mari que je ne désirais plus, et si je voulais le revoir nu ? Elle peut faire ce qu’elle veut. Et bien sûr, nous faisons exactement la même chose qu’elle. On préfère oublier que c’est réel. Ce refus. C’est ainsi que nous serions nourris. En se rapprochant de son geste.

Vous avez dit qu’Alain Resnais, avec qui vous avez travaillé à plusieurs reprises, était dans votre tête pendant le tournage. Et clairement, il y a beaucoup de son film « Providence », dans lequel un auteur revisite et révise des souvenirs alors qu’il meurt et est ensuite confronté à la réalité qu’il a combattue. Il a été fascinant de voir au cours de la dernière décennie à quel point il est devenu en quelque sorte la clé de ce moment moderniste. Pourquoi pensez-vous qu’il est devenu si important ?

Tu sais que tu as raison. Je n’y ai pas vraiment pensé ! Peut-être… ce qui me vient à l’esprit quand tu dis ça, c’est que [Resnais] était un gars qui s’amusait. Et n’était pas seulement coincé dans la théorie. Parce que la théorie meurt. Et plaisir ne meurt jamais. C’est peut-être ce truc qu’il avait à propos d’expérimenter comme un scientifique. Travail par essais et erreurs. Je pense à Resnais, j’ai eu la chance de le rencontrer la dernière fois qu’il est allé à New York et c’était tellement émouvant. Il aimait cette ville. Nous sommes allés voir une pièce de Sondheim. C’était… c’était son humour. Ouais. Comment il croyait qu’il n’y avait pas un monde intellectuel qui n’était pas accessible à tout le monde. Il n’a jamais été question de théorie. Mais tu as raison, bien sûr que j’ai pensé à « Je t’aime, je t’aime », « Providence », bien sûr. Mais ça se mélangerait avec « Rain People » de [Francis Ford] Coppola, et beaucoup de cinéma japonais sur les fantômes. Comment les fantômes sont traités, comment ils sont réels. Ils savent si bien vivre avec les fantômes.

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