[Critique] Entretien avec un Vampire

Mis à part le très bon Dracula de Coppola, rares ont été les films de vampires qui ont pu se vanter de leur succès et qualité. Pourtant, à peine deux ans après la sortie du film aujourd’hui culte de Francis Ford Coppola, Neil Jordan a su réanimer l’intense folie et fascination vampirique qui sommeille en chacun de nous.

« Entretien avec un Vampire » s’insère parfaitement dans la logique des films grand public des années 1990, avec un gout prononcé pour les films d’époque et les fresques fantastico-historiques. C’est à travers cette ambiance baroque et classique que nous est conté l’incroyable histoire du vampire Louis de Pointe du Lac.

L’histoire se présente comme le témoignage de ce vampire (incarné par Brad Pitt) et de son incroyable existence d’immortel et de buveur de sang. Sous la forme d’un entretien avec un jeune journaliste, Louis révèle rapidement son improbable identité, sa métamorphose en créature de la nuit, ses transformations morales, peurs, chagrins et sa recherche de le lui-même. Car oui, ce film ne se contente pas de retranscrire les clichés et légendes de nos confrères vampires, il transcende toutes ces légendes, allant bien au delà des superstitions banales, des gousses d’ail, du crucifix et autres artifices traditionnels.

« Entretien avec un vampire » est avant tout un film psychologique et philosophique, un drame passionnel dans lequel un vampire contestataire et honteux part en quête de vérité, de bonheur, d’accomplissement personnel. Extrêmement mélancolique, le film nous transporte dans les abimes psychiques de Louis, vampire malgré lui, contraint à errer éternellement dans un monde en constante métamorphose et dont l’intérêt et la saveur lui échappent. L’histoire d’amitié fraternelle et paternaliste qui se développe entre Lestat (Tom Cruise) et Louis est passionnel, à la fois dimensionnelle et sentimentale, basée sur la reconnaissance comme sur l’incompréhension.

Suivant des motivations totalement différentes et extrêmes, le créateur et l’élève se séparent peu à peu alors que l’apparition de la jeune Claudia vient raviver les sentiments conflictuels des deux vampires. L’amour, la haine, la crainte et le doute animent tous ces êtres fantastiques liées à leur destin meurtrier, à leur perpétuelle et parfois repoussante recherche d’hémoglobine et de gorges fraiches. Le sentiment de solitude et le désir de rencontrer des êtres semblables sont d’autres sujets traités par cette histoire à l’empreinte émotionnelle très forte. Les siècles passent, les comportements évoluent, l’espoir et les déceptions s’enchainent, sobrement mis en scène par Neil Jordan et son équipe technique.

Pas d’émerveillement esthétique ici, malgré des environnement finement travaillés et fidèles au contexte historique. L’image manque souvent d’originalité et de profondeur dans son panel de couleurs, souvent trop kitch et conventionnel. Pourtant, on croit volontiers à cette quête de la paix intérieur et à ce profond questionnement sur la nature vampire et damnée des protagonistes. Un vampire peut-il aimer? éprouver des remords? De l’amour? haine? Compassion? Des questionnements souvent inaboutis mais qui renforcent la singularité de cette œuvre.

Les interprétations de très bonnes factures affirment davantage la qualité gloable du film: Brad Pitt, touchant et tout en finesse tranche avec Tom Cruise, exquisément impulsif et paradoxal. La jeune Kirsten Dunst fait preuve d’énormément de crédibilité, affichant un don inné et déjà très mature pour le cinéma.

 

Conventionnel dans sa forme, original et sensible dans son fond, « Entretien avec un vampire » est un digne représentant du cinéma vampiresque.

Note :


Entretien avec un Vampire

Réalisé par Neil Jordan
Avec Brad Pitt, Tom Cruise, Antonio Banderas, Stephen Rea, Kirsten Dunst,…

Date de Sortie: 21 Décembre 1994
Genre: Fantastique, Drame

Synopsis: San Francisco dans les années 90. Un jeune journaliste, Malloy, s’entretient dans une chambre avec un homme élégant, à l’allure aristocratique et au visage blafard, Louis, qui lui fait de bien étranges confidences. Malloy, subjugué par la séduction de son interlocuteur lui demande, à l’aube, de le faire pénétrer dans son monde, celui des vampires.

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