Female Filmmakers in Focus: Maryam Touzani on The Blue Caftan | Interviews

Le jour où elle me l’a offert, j’ai réalisé à quel point c’était beau de posséder cette pièce, car j’avais le sentiment qu’il y avait là toute une partie de sa vie, de ses expériences. Je me souviens l’avoir vue aller à un mariage dans ce caftan. Et puis c’est comme si je le portais, c’était comme avoir cette expérience de, ça peut sembler étrange, mais j’avais le sentiment que je vivais toutes ces choses. Et c’était beau, parce que c’était chargé émotionnellement de tout ce qu’elle avait vécu.

Et de l’homme qui l’a fait aussi, car elle m’avait toujours expliqué comment c’était fait. La complexité, le temps qu’il a fallu, le travail derrière. Et il y a eu une phase où j’ai imaginé cet homme passer des mois à essayer de faire ce beau vêtement. Aujourd’hui nous vivons dans un monde où tout va très vite. Où acheter signifie remplacer, jeter, passer à autre chose. J’adore les choses qui restent. Je pense que je suis vraiment nostalgique de certaines choses, vous savez, mais j’aime la valeur des choses qui peuvent rester et se transmettre d’une génération à l’autre et les choses qui définissent le temps aussi.

C’est pourquoi je voulais que Halim soit cet homme qui est un peu. . .c’est vrai que quand on observe qu’il y a quelque chose d’un autre âge en lui. Il y a, dans sa façon de s’habiller et dans son attitude, ce n’est pas moderne. Il tient à cette tradition qui est belle. Je pense que c’est une belle tradition.

Donc, en gros, ce caftan, pour moi, je ne savais même pas pourquoi au début. Mais je pense que toutes les choses sont là pour une raison. C’est pourquoi je pense que les choses vous marquent quand vous êtes jeune, quand vous êtes enfant ou quand vous êtes plus âgé. Je veux dire, la vie de tous les jours, peut-être que nous sommes marqués par différentes choses, mais certaines choses prennent beaucoup de place et y restent. Puis un jour ils sortent. Ce caftan est sorti dans le film pour cette raison, je suppose. Car aussi à travers ce caftan, je voulais pouvoir comprendre davantage le personnage de Halim.

Halim est un homme qui se ferme au monde parce qu’il essaie de se protéger d’une société qui ne veut pas forcément de lui, qui n’accepte pas qui il est. Et il en est conscient. Donc pour lui, c’est une façon d’être dans son monde et ce genre de cocon alors qu’il travaille avec cette passion. Pendant qu’il travaille, il coud aussi ses plaies. Il recoud aussi ses blessures.

Il fabrique ce beau caftan pour que d’autres femmes le portent, même s’il y a une petite partie de son existence qu’il ne peut pas porter à l’air libre, dans les allées des hammams ou dans le noir en quelque sorte. Donc il y a aussi cette complexité entre la forme d’art qu’il fait, qu’il veut faire vivre, et cette tradition qu’il essaie de sauver aussi par la transmission, en transmettant des choses à Youssef. Il a déjà essayé, mais ça n’a pas marché avec d’autres apprentis. Et il y a une partie de cette tradition qui l’empêche aussi d’être qui il est. Alors lui aussi est déchiré.

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