[Critique] Good Kill

La dernière fois qu’Andrew Niccol était derrière la caméra, c’était pour l’adaptation des « Âmes Vagabondes » de Stephenie Meyer. Le résultat était catastrophique et l’on se demandait clairement où était passé le talent du réalisateur de « Gattaca » ou « Lord of War ». Malgré son retour à un cinéma plus engagé et politique, on avait peur de voir ce qu’allait donner « Good Kill », en dépit du retour de son acteur fétiche, Ethan Hawke.

Se déroulant en 2010, « Good Kill » nous raconte l’histoire de Tommy, commandant et ancien pilote de l’armée, désormais pilote de drones dans le Nevada. A distance, il fait voler ces drones dans les zones où les Etats-Unis sont en conflit, dans le but de traquer les terroristes. A distance, il tue de potentiels terroristes, mais sa culpabilité, elle, est bien présente, dès qu’il appuie sur le joystick.

Avec un tel sujet, forcément, il y aurait beaucoup de choses à dire. Sur la guerre menée par les Etats-Unis contre le terrorisme, sur l‘évolution des guerres qui, malgré leur multiplicité, font ironiquement de moins en moins de morts… Mais, et c’est là où Good Kill pêche un peu, c’est qu’on a l’impression que Niccol ne traite pas son sujet jusqu’au bout, malgré le fait que ce soit un film à charge. Ce qu’il nous raconte est probablement vrai (preuve en est : le gouvernement américain a refusé de coopérer au film), mais il est écartelé entre l’envie de dénoncer cette guerre dans ce qu’elle a de plus lâche, et les tourments intérieurs de son héros. On aurait pu penser que les deux parties s’imbriqueraient parfaitement ensemble, mais chacune d’entre elles possède ses limites, à l’instar de la famille du héros, sous-utilisée. January Jones nous ferait même penser à une version 2010 de son personnage de Betty Draper, épouse frustrée et délaissée du héros de Mad Men, sans la finesse d’écriture de Matthew Weiner.

C’est dommage, car Tommy Egan est un anti-héros au destin brisé. A l’instar de Jerome dans « Gattaca », lui aussi veut voler, et retrouver une motivation dans sa vie. Niccol convoque d’ailleurs le fantôme de son chef d’œuvre dans une scène de vol magnifique, bercée par la musique de Christophe Beck, qui, s’il n’est pas vraiment inspiré sur la bande-originale du film, offre une dimension toute mélancolique à cette scène. Ce sont dans ces petits moments que Niccol arrive le mieux à faire passer des émotions et son message. Loin des discours manichéens balancés par le personnage de Bruce Greenwood aux nouvelles recrues, il se montre plus percutant lors des moments les plus intimes : ceux où, en général, Tommy est seul face à lui-même, ou un écran. On peut d’ailleurs remercier Ethan Hawke d’offrir une performance aussi juste dans un rôle aussi casse-gueule. C’est probablement l’un des meilleurs rôles de sa carrière (l’effet Niccol, peut-être ?) et il est très bien accompagné par Jake Abel, Bruce Greenwood et surtout Zoe Kravitz, étonnante dans un rôle-clé, prouvant que la jeune actrice a du talent à revendre dès qu’elle est dans un projet intéressant avec un rôle digne de ce nom.

Good Kill aurait gagné à être plus approfondi, mais c’est un grand soulagement de voir qu’Andrew Niccol a encore de la ressource. Bien aidé par l’immense prestation d’Ethan Hawke, c’est un film intéressant, à voir ne serait-ce que pour son sujet.

Un retour efficace mais pas dénué de défauts pour Andrew Niccol, qui renoue avec un cinéma plus politique et engagé.

Note :


 

Good Kill
Réalisé par Andrew Niccol
Avec Ethan Hawke, January Jones, Zoé Kravitz, Bruce Greenwood,…

Date de Sortie : 22 avril 2015
Genre: Thriller

Synopsis: Le Commandant Tommy Egan, pilote de chasse reconverti en pilote de drone, combat douze heures par jour les Talibans derrière sa télécommande, depuis sa base, à Las Vegas. De retour chez lui, il passe l’autre moitié de la journée à se quereller avec sa femme, Molly et ses enfants. Tommy remet cependant sa mission en question. Ne serait-il pas en train de générer davantage de terroristes qu’il n’en extermine ? L’histoire d’un soldat, une épopée lourde de conséquences.

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