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Borgen, femme au pouvoir : Birgitte Nyborg, l’anti-Frank Underwood

Borgen, l’apprentissage du vice

Avant le début de chaque épisode de Borgen, un écran noir de quelques secondes permet d’afficher une citation pendant de longues secondes. Il s’agit de phrases tirées du Prince (1532) de Machiavel. En effet, Borgen porte Birgitte Nyborg comme idéal d’une politique « moraliste au possible ».

D’après Machiavel, le seul but du dirigeant doit être de conserver le pouvoir. Pour ce faire, il doit avoir recours à toutes sortes de stratagèmes pour conserver son autorité, qu’importe la morale. Toutefois, le le dirigeant peut aussi faire le bien, tant que cela ne dessert pas ses propres intérêts :

« Un prince, et surtout un prince nouveau, ne peut respecter toutes ces choses pour lesquelles les hommes sont appelés bons, alors qu’il lui est souvent nécessaire, pour maintenir son État, d’agir contre la parole donnée, contre la charité, contre l’humanité, contre la religion. Et c’est pourquoi il faut qu’il ait un esprit prêt à tourner selon ce que les vents de la fortune et les variations des choses lui commandent ; (…) ne pas départir du bien, s’il le peut, mais savoir entrer dans le mal, si c’est nécessaire ».

La citation est illustrée durant l’épisode 2 de la première saison, durant une discussion entre la Première Ministre et son mentor centriste, Bent Sejrø, qui lui explique :

« Le pouvoir, ce n’est pas un chaton qui saute sur tes genoux pour s’y endormir. Il faut le saisir et il faut le garder. Sinon il s’échappe. (…) Tu n’as plus d’amis au Château. Tu dois pouvoir dire non à tout le monde, et pouvoir virer n’importe qui sans broncher ».

Le personnage de Birgitte Nyborg illustre l’idée que la réalité s’impose peu à peu à l’exercice du pouvoir, au détriment de la morale.

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Birgitte Nyborg, l’idéaliste pragmatique.

Birgitte Nyborg, l’idéalisme européen ?

Au début d’House of Cards, Frank Underwood est introduit comme un vétéran revanchard. Ici, Birgitte Nyborg est une idéologue qui découvre les hautes responsabilités.

Cependant, elle ne dispose pas de regard-caméra pour créer une intimité avec le spectateur. Cette proximité est créée par le montage lent de la série. Pour cela, la série laisse constamment la seconde de doute laissée après décision prise par Nyborg.

Le spectateur se sent privilégié d’assister au stress des décisions et par compassion, il l’humanise. Sans le savoir, Birgitte Nyborg vous fait pencher de son côté. Pourtant, nous ne devrions pas nous sentir privilégié selon Jean-François Pigoullié.

Dans la revue Esprit, celui-ci explique que le pouvoir politique « représente dans la fiction danoise non pas une fonction gratifiante mais un sacerdoce, une mission dont le coût est exorbitant ». Ainsi, l’héroïne va progressivement s’isoler sous le poids de ses responsabilités politiques, signe d’une solitude inhérente à l’exercice du pouvoir.

Néanmoins, cette solitude ne l’empêche pas de s’émouvoir pour de la géopolitique durant l’arc sur le Groenland. La Première Ministre y organise une visite surprise pour rencontrer ce peuple « soumis » aux intérêts danois.

Irrité par la permission de Nyborg de laisser venir le Groenland à certaines tables de négociations, le président américain annule sa visite à cause d’un  « calendrier surchargé » . Au Danemark, la presse loue la décision de la Première Ministre.

Cet arc permet deux choses aux scénaristes : d’abord, de s’éloigner de la politique parfois fantasmée d’House of Cards, mais aussi de démontrer l’asphyxie américaine en matière de géopolitique. Ici, la décision danoise n’aurait tenu l’intérêt d’Underwood que pour quelques secondes, celui-ci ne se souviendrait peut-être plus du nom de Nyborg.

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Birgitte Nyborg et Katrine Fønsmark, deux femmes au pouvoir.

Des portraits de femmes de (contre-)pouvoir

Dans la série, leur sexe n’est pas leur seul point commun puisqu’il faut s’intéresser à leur connaissance. Dans la série, Kasper Juul, le conseiller de Birgitte, entretient une relation tumultueuse avec Katrine Fønsmark, journaliste pour la chaîne TV1.

À l’image de Birgitte Nyborg, Katrine doit apprendre le vis de son milieu journalistique durant la saison 1. Souvent assimilée à un chien fou aveuglé par ses convictions, la jeune journaliste devient un peu plus pragmatique à chaque difficulté rencontrée. Bien que la première saison s’achève par son départ de la chaîne, ce n’est que pour le meilleur. Katrine maîtrise davantage son contre-pouvoir.

Y a-t-il un discours féministe dans la série ? Oui et non. Selon Pierre Sérisier, le postféminisme se définit par la capacité des individus à reconnaître les compétences personnelles d’une personne sans tenir compte de son genre.

Dans cette perspective, Birgitte Nyborg est clairement une « héroïne postféministe » puisqu’elle s’impose en politique, non pas au travers des qualités prétendument liées au féminin, mais uniquement grâce à son habileté politique.

Conclusion

Pour les auteurs de la série, un grand Homme politique serait une personne sachant entretenir l’illusion des convictions. En dévoilant une vie démocratique en berne, la série cherche  à stimuler l’esprit de son spectateur sur les questions de morale pour un dirigeant. Borgen, femme au pouvoir ou l’art des concessions.

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