Comment Nosferatu et Hitchcock ont inspiré la cinématographie de Saltburn

Comment Nosferatu et Hitchcock ont inspiré la cinématographie de Saltburn


La vision gothique et cinématique de « Saltburn »

Explorer l’ambiance gothique littéraire et l’esthétique du cinéma muet, tel fut le challenge pour Linus Sandgren, le directeur de la photographie de « Saltburn ». Ce nouveau projet d’Emerald Fennell, suite de « Promising Young Woman » de 2020, suit l’épopée sombre d’un jeune homme, incarné par Barry Keoghan, prêt à tout pour s’immiscer dans la vie d’une famille aisée, avec des conséquences fatales.

Emerald Fennell a suscité l’imaginaire de Sandgren avec des mots-clefs évocateurs comme « vampire » et « sueur », poussant le cinéaste vers une représentation cinématographique où le film devient une métaphore des récits de vampires, bien que sans créatures surnaturelles.

L’ombre de Nosferatu et le suspense à la Hitchcock

La démarche créative du directeur se nourrit de références telles que l’expressionnisme allemand et les films iconiques comme « Nosferatu », mais aussi des techniques de suspense chères à Alfred Hitchcock. L’esthétique visuelle repose sur un savant mélange de voyeurisme et d’élévation romantique, le tout teinté de sensualité et d’érotisme.

Sandgren partage que la discussion préliminaire avec Fennell a été cruciale pour définir le langage visuel du film. Ils se sont également inspirés de la peinture, notamment des œuvres baroques du Caravage où la beauté de la lumière sublime les horreurs représentées.

La discussion se tourne ensuite vers la technique choisie pour le tournage et certaines scènes-clés, comme la danse nue de Barry Keoghan, filmée de manière à capturer et à respecter la libération du personnage au sein de son environnement.

Entre esthétique baroque et intimité des plans cinématographiques

Linus Sandgren précise que le choix du format 4:3 s’est imposé en raison des espaces intérieurs de la maison de tournage, richement composés de structures carrées. Loin de se limiter à l’ampleur horizontale propre au cinéma, ils ont souhaité mettre en valeur les volumes verticaux de l’environnement, lui conférant une importance presque plus marquée que celle des personnages eux-mêmes.

La scène de danse de Barry Keoghan est mentionnée à nouveau, insistant sur l’aspect naturel et harmonieux du mouvement de la caméra avec la performance de l’acteur, dans une démarche de respect de la vulnérabilité du personnage, symbolisant son apogée dans l’histoire.

Le résultat, selon Sandgren, est une expérience cinématographique où la caméra, à travers ses choix de cadrage et de mouvement, devient une extension de l’intimité et des relations entre les personnages, s’adaptant parfois pour offrir des compositions plus élaborées et d’autres fois pour capturer l’essence brute de leur interaction.

À travers cette interview, se dessine le portrait d’un film où chaque choix visuel sert à renforcer le récit, mêlant la fine frontière entre l’esthétique splendide de la lumière et l’obscurité intrinsèque de l’âme humaine, caractéristiques propres à l’art baroque, qui semblent avoir inspiré profondément la photographie de « Saltburn ».

La Magie des Miroirs et des Ombres dans « Saltburn »

Les défis artistiques dans la mise en scène des acteurs

La création cinématographique implique fréquemment une dose de liberté créative pour les acteurs. Cependant, « Saltburn » se distingue par une approche plus rigoureuse, orientée vers la esthétique visuelle du film. Un exemple frappant de cette direction artistique est une scène où Oliver saute sur Farleigh. Bien que la proximité entre les personnages soit inhabituellement exacerbée, creusant un écart avec le comportement naturel d’un acteur, cette contrainte a généré une silhouette mémorable et esthétiquement parfaite à l’écran.

L’esthétique réfléchie : le rôle des miroirs dans la narration

Les miroirs jouent un rôle prépondérant dans « Saltburn », soulignant la dualité inhérente à chaque personnage. En collaboration étroite avec le département artistique, on a intégré de multiples miroirs dans le décor pour capturer cette dualité. Le choix de ces éléments scénographiques s’étend au-delà de leur valeur métaphorique; ils contribuent également à établir une atmosphère spécifique. Par exemple, un collège gothique avec ses fenêtres garnies de barreaux a permis de représenter métaphoriquement l’isolement d’un personnage, créant une illusion d’emprisonnement capturée magistralement à l’écran.

Durant le repérage, la découverte fortuite de reflets dans les miroirs a offert des compositions inédites où un simple coin de miroir pouvait multiplier les figures à l’écran et enrichir le langage visuel du film. Cela montre que l’inspiration peut jaillir de la spontanéité du moment, complétant ainsi la vision préméditée des scènes.

La symétrie inversée comme outil narratif

Certains miroirs ont été placés de manière stratégique, comme celui positionné sur la table lors d’un dîner, pour révéler ce qui se trouve sur la table à travers un plan inversé. Cette technique a été également utilisée pour une scène au bord d’un étang, conférant au film une dimension supplémentaire. La distribution délicate de lumière durant le tournage a permis de révéler sans intention initiale un contraste lumineux sur le visage du personnage à travers différents reflets, ajoutant une profondeur visuelle et émotionnelle au film.

Le jeu avec les miroirs a même influencé la décision de filmer le personnage de dos devant son propre miroir, utilisant le reflet pour raconter visuellement ce que le personnage pourrait éprouver intérieurement. C’est à travers ces subtiles variations de luminosité que le film parvient à communiquer non seulement l’état d’esprit du personnage mais aussi les thèmes sous-jacents de l’histoire.

Le film « Saltburn » avec ses puissantes images narratives est maintenant disponible en salle, offrant aux spectateurs une escapade visuelle intense et réfléchie.

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